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JULIA VIRAT

GUIDE DE HAUTE MONTAGNE

Fissures larges et combats de rue.


Blaitière, au pied de la fameuse et diabolique fissure Brown.

J'avais entendu parler depuis pas mal de temps de cette fissure collector, "une des longueurs les plus éprouvantes du massif", mais je n'avais jamais pris le temps (ou plutôt mon courage à deux mains) pour venir voir ce dont il s'agissait.

Quelques jours de break au milieu d'une grosse saison d'été de guide et voilà que l'idée refait surface, et que je n'ai malheureusement pas d'arguments pour reculer, ma motivation l'emportant sur ma trouille habituelle.

Jean-Pierre fera le compagnon de cordée idéal, trop content d'aller lui-aussi voir de plus près ce monument.

1954, il y a 65 ans ! Brown et Whillans ouvraient cet itinéraire en face ouest de Blaitière, utilisant des pierres qu'ils se faisaient passer pour s'assurer dans cette longueur de 30 mètres bien trop large pour y coincer des pitons ou des coins de bois.

Ces types-là sont moitié des génies, moitié des fous.

2019, moi j'utilise des friends numéro 5 et 6 et je trouve ça déjà bien assez extrême. Ça grogne dans la fissure, combat de rue.

Heureusement, il fait frais à l'ombre de Blaitière et on en oublie complètement l'ambiance caniculaire de la vallée.

S'enchaînent ensuite quelques belles longueurs dans la Whillans, larges et soutenues elles aussi, puis une errance autour d'une zone de rochers éboulés qui laissent mon sens de l'itinéraire perplexe.

L'heure tourne, les longueurs mythiques sont (presque toutes) derrière nous et nous ne finissons pas la voie.

Il faudra revenir et repasser par la fissure Brown, ha ha, je ris jaune.

Une descente en rappel bien sauvage, la plupart des pitons et des cordelettes sont foireux. On refait du propre, ambiance montagne.

Et c'est à ce moment-là que je découvre Patapouf.

C'est une voie juste à côté de la Brown-Whillans, et franchement, je me demande comment ça se fait que je ne l'ai pas remarquée avant.

Les fissures qui strient ce mur lisse sont tout simplement extraordinaires !

J'en salive. Il faudra revenir aussi.

2 jours plus tard - je n'ai pas résisté très longtemps - toujours à Blaitière, cette fois-ci avec Line, une amie aussi motivée que délicieusement inconsciente.

J'ai tenté de la prévenir que ça risquait de secouer, mais impossible de la démotiver, en fait on est juste trop contentes de passer un moment entre copines et d'aller explorer cette voie peu connue...

La première longueur de 60 mètres est un échauffement délicieux, elle se finit par une vingtaine de mètres d'un splitter parfait en 6a (aaaah, que ceux qui ne savent pas ce qu'est un splitter se jettent eux-mêmes la première pierre et foncent en Utah découvrir leur future addiction ! Il s'agit grosso-modo d'une fissure rayant une face lisse).

Puis une section à la qualité de rocher plus contestable nous emmène au pied de LA fissure, celle qui me fait saliver depuis quelques jours, la variante de gauche de Patapouf, côtée 7a.

Je suis un peu dubitative sur mes capacités à me sortir d'un tel auto-traquenard : cette longueur fait 60 mètres et commence par 30 mètres d'un splitter rectiligne large en camalots numéro 5, une boucherie.

Mais ma trouille légendaire n'a d'égal que ma détermination : je charge mon harnais d'une tonne de quincaillerie et je me lance.

Ça grogne, ça souffle, ça couine, ça coince, ça racle, ça force.

Line se tient prête à me voir dégringoler dans cette fissure trop large qui meurtrit ma cuisse droite et mon bras droit, elle m'encourage sans relâche.

Et moi je me hisse lentement mais méticuleusement vers le haut.

Chaque mètre gagné me donne l'impression d'avoir déjà tout donné, mais je n'ai pas du tout envie de lâcher l'affaire. Si ça a marché jusqu'ici, ça doit pouvoir marcher jusqu'en haut.

Je persévère, combat de rue. Un mano à mano bien loyal.

Puis à un moment ou à un autre, vient enfin le salvateur coincement de main, tellement plus humain, qui sonne la fin des hostilités : la deuxième moitié de longueur est plus facile, un double splitter d'une taille nettement plus raisonnable, alleluia.

Line me rejoint.

On a toutes les deux le sourire jusqu'aux oreilles.

Line, pour sa découverte de nouvelles techniques de grimpe en fissure, et moi pour ce que je considère être tout simplement une des plus belles fissures que j'ai eu l'occasion de grimper !

Et surtout, pour ce beau moment partagé entre amies, un peu seules au monde loin des foules chamoniardes.

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